Etudes logistiques
Importance économique du secteur de la logistique en Belgique
En 2008, à la demande de l’IBOT,la Banque nationale de Belgique a pour la première fois publié une étude relative à l’importance économique du secteur de la logistique en Belgique. L’environnement de marché ayant depuis lors profondément changé, la Banque a répondu à la demande de l’IBOT de consacrer une nouvelle enquête de ce secteur.
Au cours de cette analyse, le poids économique du secteur de la logistique a été évalué par le biais de deux canaux : les effets directs et les effets indirects. Les calculs ont été effectués pour la période 2010-2015, en mettant l’accent sur 2015, et sont fondés sur les informations microéconomiques extraites des comptes annuels déposés auprès de la Centrale des bilans de la Banque.
L’examen de cette importance économique est assorti d’une analyse de ses aspects sociaux et financiers, qui aborde les résultats du bilan social, les ratios financiers, l’indicateur de santé financière de la Banque et le risque de crédit estimé à l’aide de l’In-House Credit Assessment System ( ICAS) de la Banque.
Economic importance of the logistics sector in Belgium
A la demande de ses administrateurs, l’IBOT a contacté en 2008 le gouverneur de la BNB (Banque Nationale de Belgique) en lui demandant de bien vouloir faire réaliser une étude sur l’importance économique du secteur de la logistique en Belgique. Le gouverneur a accepté notre requête ; le secteur de la logistique étant alors un des secteurs prioritaires de la stratégie politique tant au niveau fédéral que régional.
Le secteur se développant fortement depuis 2008 – année de la première publication de l’étude de la BNB -, il s’avérait opportun pour l’IBOT de faire réactualiser l’étude par la BNB. Une étude réactualisée fut publiée en 2017.
Cette étude analyse les fondements de notre économie et de notre secteur logistique et met en exergue les difficultés auxquelles sont confrontées grand nombre d’entreprises du secteur de la logistique et du transport suite à la crise de 2008. L’étude montre également la fragilité et la relativité de l’évolution économique jusqu’à nos jours.
Espérons que les entreprises, dans ce contexte complexe et en mouvance, tiendront compte des points importants soulevés dans cette étude lors de leur positionnement stratégique.
L’étude complète ainsi que les tableaux y annexés peuvent être consultés sur le site de l’IBOT sous la rubrique ‘études-bibliothèque’.
L’étude de 2017 analyse la période 2010 – 2015 – avec un focus sur l’année 2015 – et est basée sur les comptes annuels officiels déposés en Belgique.
L’importance économique du secteur a été calculée par le biais de deux différents canaux ; en l’occurrence les effets directs et indirects. Les effets directs concernent les efforts réalisés au sein du secteur en termes de valeur ajoutée, d’emplois et d’investissements. Les effets indirects du secteur de par ses liens avec le reste de l’économie sont évalués pour les emplois variables et la valeur ajoutée.
L’analyse a été effectuée avec une méthodologie scientifique et objective ce qui n’est pas toujours le cas pour beaucoup d’autres études réalisées, soit par des promoteurs ou par des banques commerciales. Ce sont des études qui sont, pour la plupart, partisanes et partent d’une perspective commerciale.
Dans l’analyse de la BNB, les données économiques et financières ont été complétées par des données sociales – basées sur les bilans sociaux dont la publication est obligatoire pour les entreprises belges. Le risque financier du secteur a été évalué au moyen du ‘In-house Credit Assessment System (ICAS)’ de la BNB.
L’étude est publiée sous la responsabilité du gouverneur de la BNB, Jan Smets, en collaboration avec des spécialistes économistes et mathématiciens du bureau d’études de la BNB.
Ci-dessous, vous trouverez un résumé et nos commentaires :
- Dans le rapport d’enquête, l’importance économique du secteur logistique en Belgique est calculée pour la période 2010-2015, avec un accent tout particulier sur l’année 2015. Le secteur de la logistique est défini sur base de la norme NACE-Bel des activités et correspond à ce qui est nommé de façon générale le secteur professionnel de la logistique et compte environ 9.000 entreprises. En 2015, les entreprises de transport, principalement le transport routier, représentaient 67 % du secteur.
- La réduction du ‘Supply Chain’ et une complexité de plus en plus accrue ont amené de nombreuses entreprises à quitter le secteur. Cela a donné place à la création de multitudes de filiales de grandes entreprises étrangères. De plus est, l’ouverture du marché vers les pays de l’Est et l’accès libre du marché (stimulé par l’Union européenne) ont causé une forte concurrence dans le secteur et une incroyable pression sur les marges les dernières dix années.
Cette ouverture du marché vers les pays de l’Est a entraîné une délocalisation partielle des centres de distribution vers l’Est. Le point central des activités opérationnelles logistiques à moyen terme s’est déplacé vers l’Est. - Pour pouvoir répondre à la pression sur les marges, le secteur a réagi de différentes façons en fonction de la typologie et de l’importance des entreprises. Certaines ont opté pour une croissance organique ou externe (par le biais d’achats) pour garantir leurs frais fixes sur un chiffre d’affaires grandissant. D’autres ont choisi de se spécialiser (ADR, frigo, vrac, health care ou spécialisation géographique). Enfin, presque toutes les entreprises ont fourni de grands efforts pour lutter contre le gaspillage.
- Le secteur de la logistique est très sensible à la conjoncture et a été très touché par la crise économique de 2008-2009. A côté de l’aspect cyclique, le secteur est fort influencé par les tendances sociétales et les développements du marché comme la globalisation, l’uniformisation européenne et le développement de l’Union européenne, la révolution dans les chaînes, les innovations technologiques (digitalisation, e-commerce, Track and Trace, etc…). Ces évolutions ont causé une concurrence de plus en plus accrue et entraîné des changements importants dans l’organisation logistique et les processus.
Ces changements demandent d’énormes efforts d’investissements des entreprises logistiques. Seuls les plus grands opérateurs sont à même de pouvoir supporter de tels investissements et de faire face à une pression grandissante sur les marges.
Enfin, le marché se tourne de plus en plus vers un développement plus durable ‘sustainable development’.
Toutes ces évolutions sont difficiles à gérer et sont amplifiées également par l’évolution des prix appliqués et dictés par le marché. Ajoutons ici aussi que la demande du marché est de plus en plus exigeante : ‘more liable, quicker, cheaper, reverse logistic included, supply chain shorter and continously monitored,…’. En bref, le secteur se trouve confronté à un gigantesque défi. - En 2010-2015, le secteur logistique était en décalage par rapport au reste de l’économie. Bien que, à la fin de la période d’évaluation, il était question d’un rattrapage en termes de valeur ajoutée et d’investissements, l’importance économique relative du secteur était en baisse par rapport à 2010. La valeur ajoutée directe s’est stabilisée entre 2010 et 2013 ; après cette période, l’entreprenariat connaissait une amélioration. En 2015, le secteur logistique générait une valeur ajoutée directe de 11,9 milliards d’euros. Etant donné que la croissance de la valeur ajoutée dans la période d’évaluation n’était pas au même niveau que celle de l’économie belge dans sa totalité, les charges du secteur ont diminué jusqu’à un BNP de 3 % en 2010 et jusqu’à 2,9 % en 2015. La valeur ajoutée indirecte pour 2015 était évaluée à 6,9 milliards d’euros ou environ 1,7 % du PNB. L’impact total (c’est-à-dire effets directs et indirects compris) du secteur de la logistique était donc évalué à 18,8 milliards d’euros ou 4,6 % du PNB, par rapport à 4,9 % en 2010.
Notons que le sous-secteur ‘other logistics services’ a connu une plus forte croissance que le sous-secteur ‘transport’. Nous constatons qu’au sein du même secteur, certaines grandes entreprises ont connu une évolution très positive ; en l’occurrence Essers, Jost, Vervaeke, Fokedey ou d’autres entreprises belges ou sièges d’exploitation étrangers tels que DHL, Ceva Logistics, XPO, Gefco ou Bpost.
Nous mentionnons également que l’augmentation de la valeur ajoutée du sous-secteur ‘storage handling and forwarding and agencies’ est d’une moyenne annuelle de 5 %. C’est la logistique dans le sens le plus stricte du terme qui reste un segment de marché intéressant. Le tableau ‘Top 20 – valeur ajoutée 2015’ en est un parfait exemple (voir étude tableau 3). En général, la valeur ajoutée est restée stable pendant la période 2010-2013 alors qu’en 2014 et 2015, une amélioration est à noter (la crise se termine enfin…).
Alors que les investissements dans le secteur logistique ont fortement augmenté en 2014, le rythme moyen des investissements dans la période 2010-2015 reste plus bas parmi les investissements bruts dans les actifs fixes en Belgique. En 2015, le secteur représentait 3,1 % du BNP avec des investissements de plus de 2,9 millairds d’euros ; en 2010, ceci représentait 3,6 %. - Le nombre d’employés dans le secteur a baissé entre 2010-2015. Il compte 134.000 FTE (Full Time Equivalent) ou 3,3 % du nombre total d’employés en Belgique. Tenant compte de la logistique in-house et des activités logistiques secondaires sur le marché proposées par d’autres secteurs, le secteur logistique représentait en gros 8,0 % de la masse salariale interne en 2015.
- Les investissements du secteur sont plus bas que ceux de l’économie dans sa globalité sans parler du rattrapage substantiel de 2015. 2,9 milliards d’euros ou 3,1 % du PNB. La valeur ajoutée se concentre principalement sur un nombre restreint d’entreprises (= concentration du secteur).
- Répartition géographique de la valeur ajoutée : 73 % en Flandres, 20 % en Wallonie et 7 % à Bruxelles.
- Sur base des bilans sociaux émanant d’une sélection limitée de (grandes) entreprises, il a été constaté que la structure de la population professionnelle dans le secteur de la logistique, par rapport à la moyenne nationale, compte un haut pourcentage d’emplois à temps plein (83 % par rapport à 67 %), un pourcentage bas d’emplois occupés par des femmes (22 % par rapport à 45 %) et un niveau de formation moins élevé. Au fil des années, la part d’emplois externes s’élève à 11,6 % du total des employés – ceci est probablement dû à l’insécurité de la reprise économique – tandis que la moyenne nationale demeurant plus ou moins stable était de 4 %.
- L’analyse des ratios financiers globaux pour une sélection constante démontre que le rendement sur capital restait à peu près au même niveau que la moyenne nationale (bien que les mouvements soient un peu plus prononcés), la solvabilité est plus que satisfaisante tandis que la liquidité dans le sens large du terme est sensiblement plus basse que celle de la moyenne nationale. L’analyse de la situation financière du secteur est complétée par deux indicateurs de risques pour les entreprises individuelles, calculés par la BNB. L’évaluation de l’indicateur de santé financier (facteur à risque dans les 3 ans) montre que le pourcentage des entreprises dans une situation financière vulnérable est à peu près semblable à celui de l’économie en général. La répartition des entreprises parmi les classes de risques de crédit du modèle ICAS (risque de non-paiement dans l’année) montre un profil de risque de crédit plus haut dans le secteur logistique que dans d’autres secteurs.
- L’étude se termine par quelques considérations concernant le ‘East European shareholding in logistics sector’. Une étude du Comité français du transport a calculé qu’un chauffeur de l’Ouest est quatre fois plus cher qu’un chauffeur de l’Est.
En Belgique, ces frais s’élevaient en 2015 à 33 euros pour un chauffeur belge. Ces chiffres sont connus mais doivent être replacés dans un contexte chronologique car l’évolution dans le secteur avance à très grande allure. Néanmoins, la différence actuelle demeure encore très grande.
Le graphique Chart A21 montre l’évolution du share holding de l’Est dans le secteur logistique en Belgique de 2010 à 2015 à la suite de l’ouverture de l’Union européenne vers les pays à salaires bas en 2004 et 2007. Les conséquences pour le secteur : une délocalisation des branches internationales et/ou une spécialisation à outrance dans certains secteurs : le transport frigorifique, ADR, Health care, les dépôts généraux et à basse température, etc…
LUDO BRONE